Un soir d'orage sur la voie ferrée Paris-Cherbourg |
A la suite des douze suicides survenus pendant les trois jours de la Pentecôte, la S.N.C.F. met l'accent sur la perturbation du trafic engendrée par les gestes de ces désespérés. J'ai lu ça et là, que la S.N.C.F. déplorait que 30 000 kilomètres de voies ne disposent pas de grillages interdisant l'accès aux rails.
Ne vous leurrez pas, ce ne sont pas les personnes que l'on cherche à protéger, c'est le résultat d'exploitation qui en prend un coup à chaque fois qu'il faut supporter des frais liés à l'immobilisation des trains.
Mettre des grillages entravera la circulation des animaux sauvages, qui seront alors piégés entre les différentes voies crées par l'homme, mais n'empêchera pas la mort de ceux qui sont déterminés. Les propriétés sont fermées et protégées et ça n'empêche pas les cambriolages.
Selon les psychiatres, le suicide sur les voies ferrées ou dans un autre lieu public,aurait pour objet d'interpeller la société sur son indifférence et rendre son désespoir visible au plus grand nombre.
Au lieu de parler pour ne rien dire, ces experts, officiellement chargés de la santé mentale, devraient avoir pour mission d'alerter le gouvernement sur le désespoir en tant que problème majeur de santé publique.
Lorsqu'on envisage de mourir, on ne pense pas à faire de la publicité, on se jette sous le train parce qu'il n'y a pas de risque de rester handicapé, c'est efficace et immédiat. Pour le comprendre, il suffit de se mettre à la place de quelqu'un qui pense à en finir avec la vie. Le moyen est choisi en fonction de son résultat.
Chaque année, environ 200 000 tentatives de suicide, approximativement 12 000 morts, sans compter les accidents qui n'en sont pas vraiment. La France est l'un des pays où on se suicide le plus et dans lequel il est illusoire de chercher de l'aide. C'est lié au fonctionnement d'une société qui ne valorise que ce qui rapporte et ignore que l'humanité, ce n'est pas une masse salariale ou un volume d'impôts, mais des êtres avec une histoire qui méritent tous l'attention.
Il y a un an, à quelques centaines de mètres de la route sur laquelle je passe tous les jours, une femme s'est suicidée dans sa maison. Son corps décomposé a été trouvé en février dernier après que le maire a demandé l'ouverture de la maison, restée fermée pendant 7 mois. On peut facilement imaginer l'isolement dans lequel se trouvait cette personne, vivant dans un village de 160 habitants qui sont censés tous se connaître. Il est vrai que, comme beaucoup de villages normands, il est gangréné par les résidences secondaires fermées à longueur d'hivers.
Ce n'est malheureusement pas un fait divers isolé. Alors on peut toujours lancer des campagnes tonitruantes pour montrer que l'on va faire quelque chose, tant que les gens seront égoïstes et seulement préoccupés par leurs avoirs, les suicidés seront toujours plus nombreux et pas seulement sur les voies ferrées.