Il s'agit pour moi de retracer une histoire, non seulement du naufrage du Costa Concordia le 13 janvier 2012, mais aussi de l'évolution de la communication autour de l'évènement, car ce ne sont que de ces "on dit" que se souviendra la plupart d'entre nous, et la presse le sait bien, puisqu'elle organise la diffusion des nouvelles de façon à orienter l'opinion publique.
Plus encore que la perte de ce navire, il s'agit de la somme de milliers de drames personnels, vécus ce soir là, qui vont laisser des traces différentes dans les mémoires. Peu de personnes peuvent se vanter d'avoir objectivement perçu un accident. L'homme est organisé pour supprimer la douleur et les endorphines endorment toutes les souffrances, qu'elles soient dans la chair ou dans l'esprit. J'en ai moi-même fait l'expérience.
Ce n'est pas la presse qui m'a averti du sinistre mais une personne de mon entourage, juste avec ces mots :
"Il parait qu'un paquebot a coulé cette nuit avec des passagers à bord". Nous étions le 14 janvier.
J'ai fait une recherche sur internet, car je boycotte tout ce qui est média de masse, dont la communication est basée sur le mensonge et l'exagération. On verra, qu'une fois encore, ça se vérifie.
Le premier résultat était une grande chaine privée de télévision française, donc je suis passée directement au second, le site Mer et Marine qui me paraissait plus sérieux.
Vous pouvez lire l'article consacré à ce naufrage sur leur page.
"Alors que nous naviguions en rythme de croisière, nous avons heurté un éperon rocheux. Selon la carte nautique, il y aurait dû avoir suffisamment d'eau en-dessous de nous"
Voilà ce qu'a réellement déclaré Francesco Schettino, commandant du Costa Concordia, interrogé par Tgcom24, une chaîne italienne d'information en continu. Cette déclaration, à chaud, reflète certainement la vérité vécue par les officiers présents sur la passerelle. Les instruments de mesure à leur disposition ne leur permettaient pas d'anticiper.
Une enquête est en cours, bien sûr, mais qu'en sortira-t-il ? Les preuves seront-elles encore là et qu'est ce qui va être dissimulé ? Et bien, je parierais bien que ça va dépendre du contexte.
Que s'est-il passé d'autre ce vendredi 13 janvier 2012 ? Quelque chose qui pouvait être vu comme un autre naufrage, celui de l'économie de la France, et après, de l'Union Européenne dont le Concordia arborait fièrement le drapeau. Jetez donc un coup d'œil à la page économique du Nouvel Observateur de cette date.
Alors, ne me faites pas dire qu'on a coulé le Costa Concordia à cause de ce triple A, mais la sur-médiatisation de ce naufrage ne s'explique que parce qu'il valait mieux occuper les regards ailleurs au moment où l'Union Européenne est en train de sombrer.
Le 14 janvier, on avait 3 morts et 70 disparus parmi les personnes à bord du Costa Concordia. Pas de quoi ameuter toute la presse de cette manière, mais montrer du doigt le Commandant Schettino et en faire un coupable idéal, c'était détourner les doigts qui auraient pu se pointer vers nos dirigeants et les députés européens pour la situation économique inextricable des 27 pays de l'Union si bien dénoncée par Nigel Farage.
Si la presse était à ce point préoccupée par les naufrages et la sécurité en mer, on nous aurait rebattu les oreilles du naufrage du Joola.
Comment ? Le Joola vous dites ? Jamais entendu parler.
Bien entendu, je le crois. Il y a très peu de personnes qui ont entendu parler du Joola. Ce ferry sénégalais qui reliait la Casamance à Dakar. N'en déplaise aux contributeurs de wikipedia, qui se considèrent comme des encyclopédistes, il n'y a pas un mot pour le naufrage du Joola dans la liste des évènements marquant de la Casamance alors que la page consacrée à l'île de Giglio a déjà une mention sur le Costa Concordia.
Alors, le Joola, c'est 64 rescapés sur 1863 personnes à bord. 1799 morts, soit 97% de victimes. Le naufrage du Titanic, qu'on cite en exemple avait fait 1782 morts sur 2 602 passagers et membres d'équipage.
FRANCE24-FR-Reportage-Senegal-Joola-Naufrage par france24
13 février 2012, le rappel des faits tels qu'ils ont été rapportés
1) Par des personnes qui ne s'y trouvaient pas :
Vers 21h30 dans la nuit du 13 au 14 Janvier 2012, le bateau de croisière Costa Concordia a heurté un rocher, au large de l’île de Giglio, dans le sud-est de la Toscane. Selon le procureur de Grosseto, Francesco Verusio, je cite "le rocher s’est encastré dans le flanc gauche, faisant s'incliner et embarquer énormément d'eau en l'espace de deux,trois minutes".
Le navire s’est peu à peu couché à près de 90 degrés.
Le commandant du bateau a été arrêté et placé en détention, accusé d'homicides et d'abandon de navire. Selon le Corriere della serra, le commandant aurait voulu faire plaisir au chef des serveurs du bateau, originaire de l'île de Giglio. L'homme serait monté sur le pont, et aurait alors vu l'île s'approcher dangereusement. "Attention, aurait-il dit, trop tard, au commandant, nous sommes très près du rivage."
Le commandant du bateau a été arrêté et placé en détention, accusé d'homicides et d'abandon de navire. Selon le Corriere della serra, le commandant aurait voulu faire plaisir au chef des serveurs du bateau, originaire de l'île de Giglio. L'homme serait monté sur le pont, et aurait alors vu l'île s'approcher dangereusement. "Attention, aurait-il dit, trop tard, au commandant, nous sommes très près du rivage."
Je souligne cette phrase en rouge, parce qu'elle a de l'importance, j'y reviendrai.
2) par des personnes qui s'y trouvaient :
Hervé qui se trouvait au restaurant :
"Il devait être environ 21h30, et on entend alors un bruit de tôle froissée et une secousse se produit comme si on avait freiné un grand coup.. Le Concordia chavire alors doucement d’une vingtaine de degrés tout au plus. Les assiettes glissent de la table, je me retrouve avec la panière et des verres sur les genoux. A cet instant pas inquiet du tout je rigole et je demande au serveur si cela arrive souvent, il me répond d’un air amusé que oui et qu’il ne faut pas s’inquiéter pour si peu, il en a vu d’autres." On peut lire la totalité du témoignage ici.
On en retiendra le message suivant diffusé plusieurs fois en 5 langues différentes : “Tango india Tango india, Tango india Tango india, ceci est un message de la part du commandant, notre générateur électrique gauche est en dysfonctionnement, nous vous prions de garder votre calme, la situation est sous contrôle”, et aussi qu'une dizaine de personnes avec leur gilet étaient déjà prêtes à évacuer le navire à ce moment-là et que c'est ça qui a entraîné les autres passagers à en faire autant.
On retiendra aussi que les portes des cabines ne s'ouvrent pas en cas de coupure de courant et que les passagers se sont rendus directement sur les ponts d'embarquement et non aux points de rendez-vous prévus.
Au bout d'une heure, la gîte était de 45° et l'ordre d'évacuation a été donné au bout d'une heure et demie.
Je cite encore Hervé : "Un groupe de personnes âgées s’était jeté sur le bord de la chaloupe en face de nous et ne voulait plus bouger, rien ne pouvait les faire lâcher prise et ils se moquaient des règles de sécurité… la panique révélait des comportements individualistes, parfois limite haineux."
et " A bord de la chaloupe deux serveurs habillés dans leur costumes bordeaux faisaient ce qu’ils pouvaient pour mettre l’embarcation à l’eau. Après de longues minutes on effectue une première descente de quelques mètres… La chaloupe en descendant s’est retrouvée de façon brutale à presque 90° collée contre la paroi du navire. A cet instant énorme montée d’adrénaline, panique maximum, on savait que si la chaloupe décrochait maintenant il était impossible que tout le monde s’en sorte vivant."
Annie, également au restaurant :
"Il était environ 21h30. Tout à coup on a reçu un choc, les verres et les assiettes sont tombés. Des gens ont quitté la table et sont allés chercher les gilets de sauvetage, mais moi, je suis restée car les serveurs n'étaient pas affolés. Je me suis accrochée à la rambarde de l'escalier et on est sortis tout de suite car le restaurant donnait sur le pont n°4 où étaient les chaloupes. C'est allé très vite, on n'a pas eu le temps de remonter en cabine chercher des gilets de sauvetage, on est montés sans gilets. On a été entassés dans des chaloupes et ça a été un petit peu pénible pour descendre la chaloupe parce que le bateau commençait à pencher et la chaloupe n'arrivait pas à se détacher. Tout le monde a dit c'est le Titanic."
Ce qu'on retient ici c'est le manque de temps, comme s'il s'était passé très peu de temps entre le choc et l'évacuation. L'évocation du Titanic montre bien le rôle négatif de la publicité autour de ce naufrage mythique.
Patrick et Nathalie, au théâtre avec leurs deux garçons de 10 et 7 ans :
"A 21h45 c’est la coupure d’électricité. Nous avons les lumières de secours. Et tout de suite le bateau prend 20° de gîte bâbord. C’est très net grâce au rideau de la scène qui penche franchement. Nous n’avons pas senti de choc. Quelques instant plus tard une employée du personnel Costa nous annonce en criant depuis la scène (il n’y a plus de hauts parleurs) que nous avons un problème de générateur mais que la situation est sous contrôle.
Nous sortons quasiment les derniers et nous remarquons dans le hall devant les ascenseurs plusieurs personnes avec leurs gilets de sauvetage. Nous descendons à notre cabine pont 1, depuis le hublot je constate que l’on est à l’arrêt. Là nous prenons nos blousons et nos gilets qui étaient dans l’armoire, et rien d’autre. J’étais persuadé de revenir ¼ d’heure après, je pensais à une petite avarie ou à un exercice. Aucune annonce n’a été faite pour que l’on prenne ces gilets mais nous les prenons, sans grande conviction, plutôt pour faire comme tout le monde.
Nous montons tranquillement au pont 4 à bâbord, le pont des chaloupes. Nous sommes du côté du large, on se croit en peine mer et ce n’est que bien plus tard que nous apprendrons que la côte est juste derrière nous. Les passagers s’agitent et s’accumulent, en désordre. On s’interroge, on se questionne. Mais pendant ce temps le navire s’est rétabli et a commencé à gîter mais à tribord cette fois-ci. Et on attend, on attend… Personne ne nous dit rien. Je repense à la petite vidéo de 3mn que l’on nous a présentée le jour de notre embarquement le dimanche 8 janvier où tout le monde était bien rangé, bien aligné, avec des hôtesses souriantes qui nous encadraient, nous dirigeaient, etc… Ici, dans la vraie vie, rien de tout ça.
Plus le temps passe et plus notre bateau penche. Nous prenons maintenant environ 45° de gîte. La foule commence à s’agiter sérieusement. Et au bout d’1h30 d’attente voilà l’alarme d’évacuation qui retenti. Alors là c’est la furie !!! Ces pauvres cuisiniers ou serveurs, qui certainement faisaient tout ce qu’ils pouvaient, ont été vite débordés et incapables de maîtriser la situation. Tout le monde voulait monter dans les chaloupes en même temps. Le chaos total !!! Les gens se bousculaient, se poussaient, criaient, et tout ça dans plus de 50 langues différentes. La panique complète. « Les femmes et les enfants d’abord » ce n’est que dans les films !!! Nous n’avons pas pu nous approcher de ces chaloupes , les enfants se faisaient pousser par les adultes. On avait peur d’en perdre un alors on a très vite renoncé et on s’est reculé contre le mur en laissant les gens se battrent et se piétiner. De tout façon c’était chacun pour soi, la loi du plus fort. Plus de solidarité, moi d’abord!!!
Et les chaloupes ? Un carnage ! Elles ne descendaient pas ou alors très mal. Avec 45° de gîte elles butaient évidemment contre la coque du navire, elles se renversaient à moitié et surtout certaines étaient bloquées, grippées.
Nous restons bien groupés tous les 4. Et dans cette indescriptible agitation nous rencontrons 2 Américains qui nous disent de ne pas trop s’inquiéter car la côte n’est pas loin et que le bateau va se coucher gentiment. Nous ne les croyons pas tout de suite. A ce moment là on ne marche que très difficilement, ça penche trop. Les gens tombent par dizaines, ça glisse et les membres se brisent…
Nous suivons tous un mouvement de foule qui nous entraîne vers l’arrière, au niveau de la cheminée. Là nous formons une grande chaîne humaine et nous traversons le navire de part en part. La pente est terrible. Nous adhérons au sol grâce à la moquette, les meubles et la vaisselle descendent plus vite que nous… Nous voici à tribord, toujours Pont 4.
Nous suivons tous un mouvement de foule qui nous entraîne vers l’arrière, au niveau de la cheminée. Là nous formons une grande chaîne humaine et nous traversons le navire de part en part. La pente est terrible. Nous adhérons au sol grâce à la moquette, les meubles et la vaisselle descendent plus vite que nous… Nous voici à tribord, toujours Pont 4.
Effectivement, en se penchant, nous apercevons clairement les lumières du port sur notre gauche et quelques lumières d’habitations au loin. Là tout va s’enchaîner très vite. Ça commence à pousser très fort derrière. Et surtout on se rend compte avec ma femme qu’on est pris au piège : impossible de faire marche arrière, trop de monde et trop de pente. A droite et à gauche pareil. Damien (7 ans) tombe 2 fois de suite entraînant sa mère. Notre crainte est de voir cette masse tomber d’un seul coup. Il faut agir vite, l’eau envahit le pont et remplit très rapidement la cage d’escalier située à notre droite. Bientôt l’eau est à nos pieds. Une chaloupe vide essaye tant bien que mal de s’approcher du navire mais après plusieurs manœuvres infructueuses, elle renonce. Maintenant c’est sûr pour se sauver il faut rejoindre la côte. Nous voyons à la hauteur de l’eau et aux bruits que le navire s’affaisse dangereusement. Maintenant c’est l’hystérie, les cris, les cris, les cris… Jamais nous n’avions entendu tant de désespoir dans la voix des gens. Il est 11h45. Maintenant la pression est trop forte. Le bouchon explose et d’un coup 20 à 30 personnes sont envoyées à l’eau. Nous sommes légèrement en retrait. J’ai le temps de me retourner vers les garçons en leur disant : « bon les gars maintenant il va falloir y aller ! Vous savez nager, surtout ne paniquez pas et foncez tout droit vers la côte."
Je retiens de ce témoignage que la fameuse loi "les femmes et les enfants d'abord" ne vaut que lorsqu'on est assis sur une chaise bien au sec. Je retiens aussi le sentiment d'abandon des passagers qui se sont rendus sur les ponts d'évacuation avant que le personnel de chez Costa n'en ait lui-même reçu l'ordre.
Cette famille ayant regagné la rive à la nage n'aurait pas été sauvée si le commandant Schettino n'avait pas rapproché le navire de la côte.
La fin de ce témoignage interpelle : "Le lendemain matin, dimanche à 9 h, ma femme veut rassurer nos familles. Voici texto la réponse de la standardiste de l’hôtel Ibis : « je suis désolée madame mais la direction Costa nous a demandée de bloquer les lignes » Je n’en dirais pas plus mais cela montre bien l’état d’esprit de la société."
Philippe, Solange, Jean-Marc et Anne-Marie, au restaurant :
"A 21h on se met à table, on commande notre entrée et là, un bruit et tout tombe. Vraiment le Titanic. Le scénario rappelle le Titanic. Des scènes de panique, surtout qu'on était avec des Italiens et au niveau de la panique, ils montent bien.
J'ai vu des gens bousculer des enfants pour passer devant. L'information c'était qu'un générateur était en panne et que tout était sous contrôle. C'était rassurant sans l'être, car quand même, on avait bien compris ce qui se passait. Et, la manière dont le bateau se couchait petit à petit, moi dans ma tête, il était clair qu'on était en train de couler.
On n'a jamais eu d'exercice de sauvetage.
Les chaloupes étaient toutes parties et on pensait qu'elles allaient revenir donc on a attendu au moins 2h1/2 que les chaloupes reviennent, mais elles ne revenaient pas, donc on s'est dit, il faut faire quelque chose."
Ce groupe a alors apparemment reçu des ordres contradictoires de la part d'un membre de l'équipage, très énervé, qui ne parlait qu'en italien pour traverser le navire alors incliné de 35 à 50 °. Arrivés de l'autre côté, on leur a dit qu'il était impossible de descendre les chaloupes de ce côté et qu'il fallait sauter, ce qu'ils ont fait.
Julien, au restaurant sur le 11ème pont :
"C’était la soirée de conclusion du séminaire. Notre PDG nous a accueillis, puis le commandant et le directeur du service hôtellerie sont venus nous parler. Le commandant, un Italien dont mon patron traduisait les propos, semblait assez fier de sa position, mais on le serait à moins à la tête d’un tel paquebot. Il nous a annoncé qu’il allait, selon la tradition de l’inchino (la révérence), s’approcher de l’île du Giglio pour en saluer les habitants. Il nous a invités à aller sur le pont le moment venu. Mon patron et le directeur commercial sont alors sortis sur le pont fumer une cigarette… Ils ont vu le rocher arriver ! Ils sont rentrés en criant : «Accrochez-vous !» On a senti un choc violent, puis 10 secondes plus tard un deuxième, plus violent encore, soulevant le bateau : les assiettes, les verres ont explosé.
Certaines réactions étaient inhumaines: des gens repoussaient des enfants pour prendre leur place dans les chaloupes ! Nous-mêmes avons voulu faire passer en priorité la dame de notre groupe qui était enceinte; un homme d’une quarantaine d’années l’a écartée en hurlant : "Moi aussi, je suis enceinte !"
Ce sont des témoins visuels importants, s'ils ont vu le rocher arriver, c'est qu'il s'agissait d'un rocher émergé.
Le manque de tenue de certains passagers est également souligné.
Mireille et Jean :
1h1/2 après, on a eu un message disant qu'il fallait rapatrier au pont 4, qu'ils allaient descendre les chaloupes et qu'ils allaient nous rapatrier à terre. Et c'est là qu'il y a eu un petit peu le bordel, je dirais, parce que c'était la cohue générale, tout le monde partait dans tous les sens et il y avait très très peu d'assistance de la part du personnel.
On n'avait pas de gilets. Ils parlaient en italien et forcément nous, on ne comprenait rien. Et au bout d'un moment, on va dire 1/4 d'heure que nous étions dans la chaloupe, le bateau est descendu d'un coup de 5 à 6 mètres, puis il s'est arrêté et là, on a fait de la balançoire sur la coque."
Je retiens là encore, la précipitation - ces personnes n'avaient pas pris le temps d'aller chercher les gilets dans leurs cabines- ainsi que l'impossibilité de comprendre les instructions données en italien.
Marie Claude, au restaurant sur le 3ème pont, avec 10 autres de sa famille dont 3 enfants de 3, 6 et 16 ans :
"A 19H30 nous sommes tous allés au théâtre voir le magnifique spectacle de magie , nous étions au premier rang du coté gauche et mon mari n’a pu rester car le navire bougeait beaucoup et lui ne supportait pas ce balancement. Il est vrai que le bateau bougeait mais pour moi je pensais que la mer étais un peu plus agitée que les jours précèdents ; donc pas de quoi s’alarmer.
...on a sentit un vibrasion puis je me suis sentie ” plus haute ” que le neveu de mon mari qui se trouvait juste en face de moi à table et tout à coup on a entendu des assiettes se fracassaient par terre et tous les serveurs courrir vers la vaisselle cassée .
En fait le bateau penché du coté gauche .
Alors mon mari et son neveu nous ont dis qu’il fallait qu’on sorte immediatement du restaurant , ce qu’on a fait mais non sans mal car le sol glissait , notre table étant presque au milieu ou il y avait du carrelage . Quand on s’est tous précipités vers la sortie une table d’italiens nous a ordonné de nous rassoir de rester calmes mais mon mari leur a fait comprendre qu’il n’était pas question qu’on reste , cela devenait risqué !!!!
On est sorti .
On s’est donc trouvé au SALON DU PONT 3 .
On leur a demandé ce qu’il se passait et tous nous ont dis de ne pas s’inquieter de rester calme .
Puis on a entendu un message en plusieurs langues ;
en français ça donnait :
JE PARLE AU NOM DU COMMANDANT TOUT EST SOUS CONTROLE C’EST UN PROBLEME DE GENERATEURS NOS TECHNICIENS SONT EN TRAIN DE RESOUDRE LE PROBLEME .
Alors on attendait que tout rentre dans l’ordre.
Mais fur et à mesure que les minutes passées on s’apercevait que tout le personnel avait des gilets de sauvetages mais pas les mêmes que les passagers
ils étaient blancs et jaunes
pas oranges
et on se demandait pourquoi ?
et quand on leur a demandé si on en avait besoin il souriait et nous disaint que non et qu’il n’y avait rien à craindre : MENTEURS .
Puis la lumière s’est éteinte
et s’est rallumée
et encore le message en français qui disait que tout était sous contrôle
entendu au moins 5 ou 6 fois et annoncé par notre stewart francophone
Puis le bateau s’est un peu redressé et puis s’est à nouveau penché dans l’autre sens alors on s’est dirigé vers le coté gauche le coté du bateau qui était le plus haut ,
et on encore attendu ,
on n’avait pas nos gilets , ils étaient dans nos chambres respectives ,
pont 2 6 7 ET 8 .
J’ai alors demandait à mon mari d’aller dans notre cabine qui se trouvée au pont 2 , la 2215 , la plus proche du pont 3 .
Il y est allé mais à rebrousser chemin l’inclinaison du bateau étant importante mais je l’ai obligé à y retourner car on avait 3 enfants de 3, 6 et 16 ans (le mien Damien DIABETIQUE ET TRISOMIQUE )
il fallait au moins que les enfants soient protégés .
Donc il y est retourné avec son neveu malgré la difficulté et la crainte ,
On étais toujours dans le salon
la navire toujours très incliné
sans aucune indication ni marche à suivre
personne du personnel de COSTA ne nous a dis quoi faire
on n’a reçu aucun ordre d’évacuation
on attendait
et l’alarme du bateau a sonné sans discontinuer
On est tous sorti sur le pont 3 et la on a suivi les gens
et on est monté au pont 4
évidemment parmi les cris de terreurs les pleurs la bousculade
LE CHAOS quoi !!!! l’horreur !!!!
sur le pont 4 il ne restait que les bateaux gonflables oranges
plus aucune chaloupe
la encore on a rien compris
puis l’equipe qui s’occupait du divertissement nous est passé devant en hurlant ” on est l’équipage laissés nous passer , vous devez nous laisser passer , on est l’equipage ”
Ils sont enfuis comme des rats vers l’arriere du navire .
Nous ont etait la perdu
et halluciner par ce qu’on venait de voir .
Toujours dans la foule à attendre enfin de pouvoir atteindre le pont pour sortir de cet enfer !!!!
on s’est enfin retrouver devant
le neveu de mon mari sa femme et ses deux enfants de 3 et 6 ans ont reussi à prendre un bateau gonflable orange et arrivé au tour de mon fils et de moi même unmembre de l’equpage m’a dit qu’il n’y avait plus de place
et qu’il fallait attendre le prochain soit 5mns
ok
ils ont fait donc partir le bateau bouée ou le neveu de mon mari et sa famille avaient embarqués
la corde s’est rompue
et ils se sont retrouvés pendus dans le vide
puis le bateau est retombé à plat dans l’eau et
nous impuissant toujours à bord du COSTA CONCORDIA .
On a donc attendu ces 5 mms
mais je pense que ca a duré bcp plus longtemps
mais aucun autre bateau n’est reparti du CONCORDIA avec des passagers .
et au fur à mesure que le temps passé le COSTA CONCORDIA s’incliné de plus en plus
et tout d’un coup il s’est couché !!!!!!
alors là l’horreur
tout les gens qui restaient encore glissaient hurlaient
je pensais que l’eau allait monter et nous submerger tous .
je ne savais pas que le bateau reposait sur peu de fond .
et là l’attente .
l’attente .
finalement on a réussi à sortir du COSTA CONCORDIA qu’au petit matin
frigorifiés
terrifiés
et exténués .
On est sorti par l’arriere
en descendant l’echelle de corde
récupéré par un bateau de secours
on etais les derniers
Ce témoignage, en plus du fait qu'il dénonce l'absence totale d'encadrement de la part du personnel de Costa Croisières, est particulièrement vindicatif. Je n'ai pas copié les insultes à l'égard de l'équipage, le texte intégral est visible sur cette page.
Ce que je retiens, c'est que le bateau bougeait beaucoup dès le départ de Civitavecchia, probablement à cause du vent et surtout l'absence d'information.
Un point qui me parait capital est que l'enfant n'a pas eu de place dans le canot gonflable qui était le dernier.
Ce que je souligne, par contre, c'est qu'un journaliste de TF1, chaîne privée française genre presse à scandale, a laissé le message suivant :
cliquer pour voir la taille originale |
Ce qui montre bien le ton qu'on voulait donner aux suites de ce naufrage dans l'opinion publique.
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Mise à jour du 12/02/2012
Interview du capitaine Francesco Schettino pour Nautilus Telegraph.
Article original (pages 24 et 25)
Il a été surnommé « capitaine
lâche » par les media. Il est confronté à la perspective de
dizaines d'années de prison. Mais Le capitaine Francesco Schettino
dit qu'il a un message clair pour les autres marins : « Je
ne suis pas la personne qui a été décrite. »
Parlant au Telegraph un an après que
son navire s'est échoué sur les côtes italiennes entraînant la
perte de 32 vies, le capitaine Schettino dit qu'il veut que sa
version de l'événement doit entendue après un flux constant
d'information et de condamnation distillées dans les jours et les
mois après le désastre.
C'est facile de mettre toute la faute
sur une personne, fait-il remarquer, l'information rapportée par les
media visait exclusivement à désigner un bouc émissaire. Je peut
accepter que vous vouliez accuser à la face du monde, mais vous
devez d'abord analyser l'accident.
Le capitaine Schettino dit qu'il est
fier d'être marin et qu'il s'accroche à l'espoir qu'il peut
éventuellement poursuivre sa carrière. Vivant près de la mer au
sud de l'Italie, il a décidé d'être marin dès son plus jeune âge,
une ambition alimentée par les sorties en mer sur le bateau de pêche
de son oncle. ça m'a donné une idée de la mer et du mouvement des
bateaux, se souvient-il.
Il fit ses études à l'académie
maritime Nino Bixio de Piano di Sorrento près de Naples et commença
sa carrière à 18 ans, travaillant comme officier sur des ferries
rouliers et ensuite chez Tirrenia ferries et des traversiers rapides.
Tout au long de sa carrière, le
capitaine Schettino dit qu'il a toujours été soucieux de la
sécurité et n'aurait jamais pris des risques inutiles. J'ai
toujours été quelqu'un qui aime étudier, dit-il, depuis le début
de ma carrière je me préoccupe de la stabilité des navires ro-ro
et suit de près les questions de sécurité liées à la stabilité
des ferries.
Après plus de dix ans sur les ferries
et une expérience auprès de la compagnie pétrolière italienne
Agip, il décide de migrer vers le secteur des croisières avec MSC
Cruises, rejoignant ensuite Costa Cruises en 2002, prenant son
premier commandement sans la flotte en 2006.
Avant de quitter le port de
Civitavecchia le 13 janvier 2012, le capitaine Schettino dit que la
route du navire a été modifiée pour y incorporer l'inchino à
l'île du Giglio. De nouveaux points de routes ont été insérés
dans le système informatique, avec une distance minimale de un demi
mille par rapport à la côte.
L'inchino avait déjà été fait,
dit-il. Pour moi, cette nuit était un simple passage et il n'y
aurait pas du y avoir de difficultés.
Le capitaine Schettinp dit qu'il est
arrivé à la passerelle à, soit juste 11 minutes avant l'impact. Il
remarqua que l'officier de quart avait maintenu le pilote automatique
et lui demanda de repasser en manuel.
Il traita un bref appel téléphonique
avant de prendre les commandes à 21h39, alors que l'enregistrement
video montre que le navire avait dépassé de 0.7 milles le point de
virage jusqu'au point de route suivant. Quatre minutes après,
remarquant de l'écume dans l'eau, il suspecta la proximité d'eaux
peu profondes devant et modifia le cap sur tribord, puis 20° babord
et tout sur babord pour réduire le déport de la poupe sur babord.
Si ses ordres avaient été suivis, le
capitaine Schettino dit qu'il existe des preuves pour montrer que le
navire aurait évité les rochers. Toutefois, il suggère qu'il
puisse y avoir eu un problème de communication avec le timonier
indonésien avec la video montrant que l'angle de barre était à 20°
babord juste 10 secondes avant l'impact à 21h45.
Le capitaine Schettino dit qu'il est
convaincu que la preuve video montrera que ses actions ont contribué
à sauver un grand nombre de vies. Lorsque j'ai vu l'écume blanche,
je l'ai interprété comme un signe d'eaux peu profondes et évité
la collision car si nous avions gardé le même cap, je pense qu'il
aurait pu s'agir d'un désastre complet car nous aurions pris les
rochers à la proue et ça aurait été un événement
catastrophique.
Abandonner le navire ou non est une
décision capitale et le commandant doit recueillir précisément
toutes les informations nécessaires, souligne-t-il, le navire est
considéré comme son propre meilleur canot de sauvetage et le temps
passé avant l'abandon est utilisé à apprécier les capacités du
navire à rester à flot après l'ouverture d'une voie d'eau.
Il ajouté qu'essayer d'apprécier
l'étendue des dégâts était difficile. Le système informatique
chargé de calculer la stabilité ne fonctionnait pas parce que le
générateur de secours s'est mis en panne, dit-il, et il a été
déterminé que celui-ci était alimenté uniquement par la ligne
d'alimentation électrique principale. Si nous avions pu voir les
capteurs, nous aurions eu une chance de connaître le temps de
survie, ajouté-t-il, mais nous n'avions aucune information.
Le capitaine Schettino réfute les
allégations comme quoi l'ordre d'abandon du navire a été donné en
retard. L'évacuation de milliers de passagers est pleine de dangers,
précise t-il, et la décision de descendre des canots de sauvetage
ne doit pas être prise à la légère.
Avant de prendre la responsabilité de
mettre 4000 personnes dans des canots de sauvetage, vous savez que
c'est une opération dans laquelle il peut y avoir des accidents et
il faut être sûr de sa décision, explique t-il, la situation ne
semble pas réelle et une heure passe aussi vite que si c'était 10
minutes. Toutes les décisions que vous prenez, vous n'avez aucune
chance de les annuler en cas d'erreur. Si vous dites de descendre les
canots de sauvetage, il est impossible de revenir en arrière.
Nous devons considérer que le navire
peut avoir la capacité de retourner au port quand un dommage
survient, ajoute t-il, la pure vérité, c'est que de mon expérience,
je n'avais aucun autre choix que de préserver la vie une fois que le
pont 3 avait pris l'eau.
Une fois qu'il apparut que le navire
prenait un gîte progressif du fait de l'inondation de plusieurs
compartiments, le capitaine Schettino dit que la décision fut prise
d'évacuer les passagers en organisant un service de navettes avec
les canots, mais seulement ceux de tribord pouvaient être descendus
du fait d'un gîte excessif.
Le capitaine Schettino pense que
l'analyse des enregistrements démontrera que le bateau aurait pu
couler par la poupe aux environs de 23 h s'il n'avait pas pris la
décision de l'échouer. Il constate qu'il est clair qu'il suivait
une procédure en accord avec ses connaissances de la stabilité et
de la survie d'un navire.
Durant ses 34 années de mer, le
capitaine Schettino dit qu'il a vu des changements significatifs dans
le secteur de la navigation et qu »il croit que beaucoup de
compagnies sont maintenant dirigées par des équipes de
décisionnaires qui ne sont pas propriétaires de navires et ne
comprennent pas correctement les questions maritimes.
Le capitaine Schettino dit qu'il
s'était senti abandonné par Costa, dont la direction l'a accusé
d'avoir commis de graves erreurs de jugement. J'ai beaucoup de
soutien, mais je n'ai pas le même pouvoir que Costa pour contrôler
les media, ajoute t-il.
Il a également mentionné une
inquiétude au sujet de la qualité des marins affectés à son
navire. Les problèmes pour trouver des officiers qualifiés et
expérimentés a été aggravé par la décision de la compagnie de
changer la monnaie avec laquelle l'équipage était payé, un
changement qui a conduit à une forte augmentation du chiffre
d'affaires.
Il est aussi en colère de la façon
dont il avait été dit qu'il avait abandonné le navire. Le navire
était en train de sombrer. Je me trouvais moi-même sur un pont qui
accusait un angle de 90°, dit-il, lorsque le plancher bascule, vous
glissez et plongez. Nous ne pouvions plus marcher, nous n'avions rien
à quoi nous retenir, il n'y avait pas d'autre option que de nager ou
de mourir.
Il déclara aussi qu'il était
impossible de remonter à bord. L'échelle que l'officier des
garde-côtes lui avait indiquée était submergée, mais il dit qu'il
a continué à aider à mettre des douzaines de personnes en
sécurité.
Le capitaine Schettino dit que les
autres professionnels de la mer devraient apprendre de ses
expériences. Mon message est que la première chose est qu'ils se
protègent, qu'ils soient unis, et il ajoute, ne jamais accepter de
compromis, de ne jamais rien risquer pour personne.
Je crois qu'en tant que capitaines,
nous devrions être mieux respectés, spécialement par les
procureurs. Il est facile de reprocher au capitaine d'avoir perdu le
navire, mais la façon dont nous avons été ridiculisés ne donne
pas une bonne image des marins. Les gens ne se rendent pas compte des
responsabilités qu'ont les capitaines.
Je prends mes responsabilités, mais je
ne suis pas convaincu que la vérité va ressortir, car nous avons
une culture de la faute et nous ne profitons pas des occasions pour
améliorer la sécurité, ajouta t-il.
Le capitaine Schettino comprend
pourquoi il a été vilipendé après l'accident, mais il est
préoccupé par le fait que d'importantes questions techniques
peuvent être perdues en désignant des coupables. La justice peut
s'interpréter de différentes façons, cela dépend de vos
objectifs. Si nous étendons le concept de justice, nous devons
considérer l'amélioration de la sécurité dans le secteur comme un
legs. Nous devons considérer cet accident avec respect, c'est une
leçon qui doit être apprise.
Il dit que les leçons de sécurité
incluent l'évacuation et réunissent les dispositions, les mesures
pour atténuer les conséquences d'une voie d'eau causée par un
dommage à la coque, ainsi qu'une amélioration de la stabilité et
de la survie des navires après cela. Il espère que l'enquête sur
l'accident va aussi déterminer pourquoi le générateur central a
lâché et les raisons pour lesquelles le Costa Concordia a embarqué
tant d'eau, y compris la question de l'étanchéité d'une porte
extérieure de coque.
L'entraînement, l'expérience et les
ressources de l'encadrement de l'équipage sont des points cruciaux.
Regrettant que les officiers de quart cette nuit là n'ont pas réussi
à l'informer correctement de la position du navire lorsqu'il est
arrivé sur la passerelle, il dit qu'il est également important que
les officiers d'être encouragés à prendre la parole.
Le capitaine Schettino dit qu'il veut
que les gens aient une meilleure compréhension de l'enchaîment des
évènements qui ont conduit le Costa Concordia à l'échouement. Il
y a une tendance, au lieu de chercher à comprendre, à propager des
bavardages et des ragots, et nous ne le méritons pas. Personne n'est
en mesure de voir le problème à notre place et de le comprendre.
Il parle de son énorme regret et de sa
tristesse de cet accident et de la perte de ces vies et raconte
comment leur souvenir l'empêche de dormir la nuit. Alors que les
pressions peuvent conduire certains au suicide, il dit qu'il ne fera
jamais ça et décrit comment il a commencé à écrire un livre pour
raconter sa version de l'histoire comme une lutte pour retrouver un
équilibre normal.
Sous le coup d'une assignation à
domicile depuis l'accident, le capitaine Schettino dit qu'il n'a
aucune rentrée d'argent et qu'il n'a pour subsister que ses
économies. Je n'ai pas de quoi survivre deux ans de cette manière
et j'ai besoin de travailler. J'aime la mer et j'aimerais avoir la
chance d'y retourner, parce que c'est ma vie. Je pourrais, à la
rigueur, enseigner, mais tant que je suis confiné à la maison, je
n'ai aucune chance de trouver un emploi.
Mais ce qui lui permet de s'en sortir,
malgré tout, est le soutien qu'il a reçu de sa famille, de ses amis
et collègues et l'espoir que le vent tourne en sa faveur après les
révélations des enregistrements, qui renforceront sa version des
faits. Ça m'aide à reprendre confiance en moi, dit-il, je suis fort
et plus ils me frappent, plus j'ai envie de répondre. Je me sens à
l'aise avec ma conscience.
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