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vendredi 18 juillet 2025

Le déraillement du train Cherbourg-Paris à La Croisille

La catastrophe de l'express Cherbourg-Paris du 24 octobre 1933,

A 9h54, le 24 octobre 1933, le train parti de Cherbourg en direction de Paris déraille dans une petite courbe, qualifiée de « molle » par la presse de l'époque, sur la commune de la Croisille, tombant d'un petit viaduc d'une hauteur de 8 mètres. Cette même presse va donner beaucoup de détails sur les victimes, on va même connaître leurs adresses, leur nombre d'enfants et l'identité de leurs parents et conjoints, 36 corps seront sortis des décombres du convoi, la plupart tués sur le coup, les 3 voitures de tête ayant été réduites à leur seul châssis, rasé par la voiture suivante. Une partie des wagons est restée sur la voie et on ne déplore donc aucune victime dans la queue du train. Le chef de train, complètement à l'arrière, est immédiatement descendu pour se rendre compte de ce qui venait d'arriver. L'énorme locomotive, encore fumante, avait sauté le parapet du viaduc et se trouvait, debout, dans le lit du Rouloir, un petit affluent de l'Iton, avec son tender. Un wagon était à moitié déraillé, ceux de tête étaient réduits à des tas de bois brisé épars, sous lesquels en entendait des cris et des gémissements. Les passagers indemnes furent les premiers à dégager les blessés, aidés par les ouvriers qui travaillaient au chantier sur la voie dans le virage et qui venaient de voir l'express passer. Certains journaux, moins pudiques qu'à notre époque, ont décrit les blessures des victimes. Je ne reporte rien de leurs descriptions, qui n'ont fait qu'ajouter de l'horreur là où il n'y en avait pas besoin. Le chagrin des familles, la bénédiction des corps, les deux morts retrouvés après le déblaiement des débris, rien n'a été laissé de côté.

J'ai parcouru plusieurs journaux de l'époque, non pour revoir une autre fois ces descriptions macabres mais pour tenter de comprendre les raisons de l'accident, Certains passagers du train, décrivant ce qu'ils avaient ressenti, peuvent être des témoins précieux. Le chauffeur et le mécanicien du train n'ont pas survécu à l'accident. Malgré tout, ils avaient compris que quelque chose n'allait pas et avaient renversé la vapeur, car le train a freiné peu avant de quitter les rails. Les enquêteurs n'ont pas pu se mettre d'accord sur une cause unique et l'affaire en est restée là. L'accident s'est produit environ 200 mètres après une zone où des ouvriers introduisaient des gravillons sous les traverses pour "corriger la géométrie de roulement". Il faut croire que cette géométrie présentait des défaut pour qu'on ait ressenti le besoin de la corriger, mais nul n'a défini ceci comme une cause possible de déstabilisation du convoi. 

La locomotive était une 241 de type "Mountain", la plus lourde locomotive circulant en France, avec son tender, il s'agissait d'un ensemble de 194,2 tonnes. Le chef de train et d'autres témoins ont décrit comme un flottement juste avant que le train quitte la voie. Une partie des rails a été arrachée. Le remblai du talus était affaissé et on a incriminé le poids de la locomotive dans sa chute comme cause probable de cet affaissement. 
Le Rouloir à La Croisille

Je n'ai pas pu me rendre exactement sur les lieux car il s'agit de propriétés privées, mais j'ai pu voir, tout près du lieu où était tombée la locomotive, son tender et les premiers wagons, que la presse avait beaucoup exagéré. Certains ont rapporté que des scaphandriers avaient été dépêchés pour chercher des victimes dans le Rouloir. C'est un ru qu'on peut traverser à pieds. J'y ai pris la photo ci-contre. Il a été largement rapporté que la locomotive, restée sur ses roues, ne s'y était enfoncée que de 60 cm dans l'eau. Elle a d'ailleurs été remise en état et a repris du service. C'était une bonne machine.

Cette locomotive a été sortie du Rouloir près d'un mois et demi après le déraillement et les experts n'ont trouvé aucune faille technique. Il n'y en avait pas non plus sur la voie et les travaux ne pouvaient pas être mis en cause. Aucune trace de sabotage n'a été relevée non plus. Cet accident qui a coûté la vie à 36 personnes n'aurait été causé par rien ? Il se peut au contraire que toutes ces causes pourraient avoir été retenues, mais c'est mon avis personnel.

Il faut tout de même dire qu'un an plus tôt, en octobre 1932, il était arrivé exactement la même chose à un autre train tracté par le même type de locomotive, sur le trajet de l'Orient Express. Le Petit Parisien avait titré "Après avoir arraché deux cent mètres de voie la locomotive défonce la gare". Cet accident n'est pas répertorié car il n'a fait aucune victime. Malgré tout, les même causes produisant les mêmes effets, on peut considérer que les deux accidents sont liés. 

Merci d'avoir lu cet article sur un sujet qui date d'il y a presque 92 ans. 



 

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