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samedi 19 juillet 2025

Mountain 241-036, l'accident méconnu

 Il s'agit du déraillement d'un train en octobre 1932. Un accident qui n'a pas fait de morts ni de blessés graves, ce  qui fait que la presse  l'a presque ignoré. Je ne fais ici que rapporter ce qui a été écrit dans l'édition du Petit Parisien du 12 octobre 1932. J'ai néanmoins coupé de l'article l'identité et les blessures des passagers, qualifiées de légères mais décrites de manière détaillée.

A 7h30, le rapide Paris-Bâle, qui roulait à 110 kilomètres à l'heure a déraillé hier matin en gare de Villepatour-en-Brie, près de Tournan, dans la Seine-et-Marne. (...)
Le rapide 4031 avait quitté la gare de l'Est hier matin à 7 heures en direction de Bâle. L'Orient-Express, dont le terminus est à Belgrade, contenait environ 80 voyageurs et une trentaine d'employés des Compagnies de l'Est et des Wagons-Lits.
Dès la sortie de Paris, le rapide s'élança à grande vitesse sur la voie libre. Il atteignit bientôt cent kilomètres à l'heure; puis dans les plaines de la Brie, le manomètre marquait 110 à l'heure. Vers 7 h 30, au kilomètre 43.550, peu après un passage à niveau, le mécanicien s'aperçut que la locomotive "flottait" et qu'un balancement inquiétant se propageait tout le long du train. Aussi jugea t-il utile de ralentir. Puis, sentant que le convoi emportait littéralement les voies, il bloqua les freins et mit le régulateur de vapeur au point mort. Mais traînant un poids de 278 tonnes 500, la locomotive continué sa trajectoire en direction de la gare de Villepatour-en-Brie, déplaçant, sur un parcours de deux cent mètres environ, les rails en "S". la voie "suivait" le train. 
la locomotive fut brusquement déportée de la voie descendante vers la voie montante et projetée contre la façade de la gare qu'elle défonça pour retomber ensuite sur la voie, arrachant une vingtaine de traverses qui lui servirent de butoir et la firent stopper à environ dix mètres au delà de la gare. 
Déjà, le tender et le fourgon s'étaient mis en travers des voies et le wagon-poste, dans lequel, depuis le départ de Paris, les employés triaient avec activité le courrier, avait complètement traversé le mur qui sépare les quais du bureau du chef de gare. D'autres wagons, dans un amoncellement indescriptible, s'étaient jetés les uns contre les autres. Seul, le wagon-restaurant demeura debout, offrant aux regards le spectacle d'une vaisselle bouleversée et d'un matériel mis en morceaux.
Le mécanicien du rapide, M. Fernand Veillet, qui était assisté du chauffeur Léon Martin, trente-cinq ans, tous deux du dépôt de Troyes. a fait les déclarations suivantes aux enquêteurs : Ma locomotive marchait à une allure régulière. Mon manomètre indiquait. à 7 h. 28, la vitesse de 110 kilomètres à l'heure, ce qui est normal sur cette voie qui traverse la Brie, où les lignes droites, qui sont fréquentes, permettent de grandes vitesses. Soudain, peu avant la gare de Villepatour et à peine le convoi venait-il de franchir un passage à niveau, je sentis que ma locomotive "flottait". Je donnai alors un léger coup de frein et fermai le régulateur de vapeur. Mais le balancement continuait et je sentais que le convoi "ripait" de gauche à droite. C'est alors que je bloquai les freins à fond. Mais je n'étais plus maître de ma machine, et celle-ci, franchissant la voie, sauta à droite sur la voie montante. La déposition de M. Veillet semble établir nettement que sa responsabilité ne peut être en aucune façon engagée. Il n'avait, à cet endroit de la voie, à se préoccuper d'aucun signal ni à ralentir au passage de la gare, qui est une petite station. Au contraire, c'est parce qu'il a su arrêter son convoi avec sang-froid et progressivement que le mécanicien a pu éviter une terrible catastrophe. 
Derrière la locomotive, qui était enfoncée dans le ballast jusqu'aux essieux et dont la vapeur fusait de toutes parts, le wagon-poste, un wagon mixte de 3ème et de 2ème classe, des wagons de 1ère et 2ème, une voiture de 3ème et le wagon-restaurant étaient couchés sur les voies et les remblais. Peu après le passage à niveau qui précède la gare, on apercevait nettement une première défaillance de la voie, sans doute minée par les pluies.

Le Républicain de l'arrondissement de Vitry-le-François publie, le 14 octobre 1932, ce petit article pour expliquer le déraillement du train Paris-Bâle : 


Le déraillement de Villepatour est-il dû à un manque de surveillance des voies ?

L'enquête sur le déraillement de Villepatour s'est poursuivie et il semble bien prouvé qu'il est dû à un mauvais état des voies. Par suite des pluies, le ballast s'est déplacé et un certain nombre de traverses consécutives se sont trouvées privées de point d'appui à leur extrémité. C'est ce qu'on nomme des "danseuses". Au passage du train, elles ont cédé sous le poids et les boudins des roues ont sauté par dessus les rails. 

Les voies sont l'objet, on le sait, d'une surveillance constante et jusqu'à ces temps derniers, étaient visitées quotidiennement. Par suite de compression de personnel - compression nécessaire sans doute - ces visites ne sont plus qu'hebdomadaires. Et peut-être a t-on là un peu exagéré la compression. Si parfait que soit le matériel, on ne peut prévoir les méfaits de l'eau et on ne saurait trop prendre de précautions coûteuses quand il s'agit de la sécurité des voyageurs.

Lorsqu'on lit la description de l'accident de Villepatour-en-Brie et qu'on le compare avec celui de la Croisille, qui s'est déroulé de la même façon avec des locomotives identiques, on ne peut que se rendre compte que, loin de pouvoir exclure une défaillance de la voie dans le second déraillement, il faut au contraire y penser de façon plus précise. Les rails ayant été arrachés et les traverses sectionnées, ces dégradations ont été considérées comme une conséquence de l'accident et non comme faisant partie des causes. Tout ayant été brûlé sur place, dit-on pour pouvoir rétablir plus rapidement le trafic, les pièces à conviction ont tout simplement disparu, laissant planer le doute et privant les victimes et le public des explications auxquelles elles auraient du avoir droit de la part de la justice. Un billet de chemin de fer n'est pas qu'une taxe perçue au profit exclusif de la compagnie de transport. C'est un contrat et à ce titre, le voyageur a droit non seulement au trajet, mais à la sécurité. Il semble que les transporteurs l'aient oublié.

Source de l'article.

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