Pour illustrer ce que je dis, j'ai choisi une image d'artiste. Je ne sais pas si je peux la montrer car mon article est public et si on me demande de la retirer, peut-être tricherai-je pour montrer un autre visage dans un drap, pour faire comme si...
Pourtant, j'aime bien ce portrait. Il te ressemble un peu. Il te colle bien à la peau. Il a malgré tout le défaut de toutes les photos, il a figé pour l'éternité un processus en cours.
La mort l'a saisi peu de temps avant le cliché. A présent, nul ne sait ce qu'il est advenu du corps.
Cendres ou pourriture, il a changé, comme nous changeons tous en vieillissant.
Montrer la mort est une provocation. Elle est devenue tabou et la vieillesse également. Partout, immortalité et éternelle jeunesse sont vantées et tout ce qui est vendu dans les magasins d'esthétique n'est que tentative de retarder l'inévitable échéance. La chirurgie répare ce qui ne peut être dissimulé. En réalité, ça ne sert à rien, nous y allons tous et certains plus vite que d'autres.
Tu dis que tu vas mourir. Tu ne vieilliras pas, voilà le véritable avantage. Pour ceux qui ne connaissent que ton identité publique, ça ne changera pas grand-chose. Peut-être quelques uns remarqueront que ça fait un moment que tu n'as rien publié, et puis ils passeront à autre chose.
Tu es le troisième de la série, et la différence est que les deux premiers ne m'avaient pas prévenu. C'est arrivé par surprise, l'un au milieu d'une galette des rois et l'autre pendant le nouveau Pearl Harbor de septembre 2001. Ils n'ont rien vu venir. Ils étaient vivants et l'instant d'après, ils ne l'étaient plus.
Dois-je penser à présent que c'est un privilège de pouvoir se préparer à l'ultime séparation, ou au contraire ressentir ça comme une torture due à mon impuissance face, non seulement à la gravité de la situation, mais aussi à ta volonté ?
Puisque tu sembles convaincu qu'il s'agit de ton avenir proche, s'il te plait, fais en sorte de ne pas partir trop loin trop vite, que j'aie le temps de m'habituer à ton silence. Tu vas tellement me manquer.
L'un des deux premiers m'avait rassuré.
Je l'avais entendu me répondre, distinctement, alors que je lui posais innocemment la question :
- Tiens ! Tu es là ? je te croyais mort.
- Et évidemment, toi, tu l'as cru...
C'était longtemps après que son corps ait été porté en terre.
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