Le vendredi 13 janvier 2012, le navire Costa Concordia s'échoue sur l'île du Giglio en Italie.
Comme le Titanic, coulé le 14 avril 1912, il était l'un des navires les plus grands, les plus somptueux, avec la meilleure technologie.
Le Costa Concordia faisait partie de la flotte de l'opérateur de croisières Costa, qui appartient au groupe anglo-américain Carnival.
Comme je le disais dans
mon article du 12 octobre dernier, ce qui s'est passé sur ce navire cette nuit du 13 au 14 janvier 2012 est une insulte au bon sens.
Le 13 janvier au soir, donc, le Costa Concordia quitte le port de Civitavecchia en direction de Savone et il est décidé d'effectuer un salut, dit "inchino" à l'île de Giglio en faisant un détour. Pour qui donc, cet "inchino", au fait ? Pour les touristes de l'île ? En janvier ? Par une température à peine de quelques degrés au dessus de zéro ? Pour les passagers alors que rien ne leur avait été dit à ce sujet et que le dépliant disponible à bord mentionnait seulement l'île visible à 5 milles côté bâbord ?
Pour l'ancien commandant de navire Mario Palombo, qui y possède une maison mais n'y était pas ?
En admettant qu'il se soit trouvé une bonne raison, ce détour vers l'île aurait pu se trouver reporté du fait que l'équipage et la direction de Costa Croisières étaient informés d'un mauvais fonctionnement de la VDR, laquelle devait être réparée ultérieurement.
La carte ci-contre montre l'île désertée par les touristes à cette époque de l'année devant laquelle le salut devait être effectué sans difficultés.
La route prévue est en bleu moyen, la route suivie est en bleu plus foncé et je l'ai volontairement arrêtée à un point représenté par un éclat jaune qui n'est pas le lieu de l'accident, mais pourrait bien être celui où tout a commencé à aller mal.
Francesco Schettino, commandant du Costa Concordia vient d'arriver sur la passerelle et il téléphone à Mario Palombo en lui indiquant la route qu'il a prévu et en lui demandant s'il y a de l'eau, autrement dit, suffisamment de profondeur. Ce dernier lui indique que oui, qu'il n'y a pas de problème. Francesco Schettino n'est pas de quart, c'est Ciro Ambrosio, premier officier qui est responsable du navire. Ciro Ambrosio est, en théorie, capable de diriger un navire de la classe du Concordia et jusqu'à ce point, il n'a fait, avec sa coéquipière Silvia Coronica, que surveiller le dispositif de pilotage automatique. Le cap est de 279.8° (chiffre affiché sur l'écran).
Il est 21h37 et à partir de là, tout s'enchaîne très vite. Le pilote automatique est désactivé et la déposition de Ciro Ambrosio est plutôt ambigüe sur le sujet : "Mais il (le commandant) n'a pas immédiatement dit la phrase "Je prends le contrôle" qui signale un changement de commandement, mais, étant donné la façon dont il s'est placé, j'ai cru qu'il avait pris le contrôle et j'ai pensé que je n'étais plus de quart. Puis, comme le commandant était distrait et que nous arrivions plus près du Giglio, j'ai donné des ordres au timonier. Il (le commandant) était au téléphone avec Palombo. Même si j'avais fini mon quart, je sentais que je devais reprendre le commandement pour pouvoir donner des ordres au timonier pour commencer notre approche du Giglio qui devenait plus proche."
Ah mais alors, si vous comprenez la même chose que moi, Ciro Ambrosio nous dit là que finalement, c'est lui qui a amené le navire là où il se trouvait. Malgré tout, Ciro Ambrosio n'est pas poursuivi. Il échappe à ses responsabilités. Il faut dire que le commun des mortel, très peu au courant de ce qui se fait dans la marine ne doit même pas imaginer qu'un commandant de navire doit aussi se nourrir et dormir de temps à autre et que les quarts sont faits pour se répartir les tâches. Il y a 1000 membres d'équipage sur un navire comme celui-là et le commandant ne peut pas tous les remplacer à lui tout seul. Il me semble que la plus élémentaire évidence est celle-là.
Maintenant, voici la même image, agrandie. Le tracé en pointillé est l'arc de cercle que le navire va suivre pour prendre la seconde direction, à 333,6°.
On voit que l'éclat jaune correspond au point où il faut tourner.
Ciro Ambrosio ne donne pas l'ordre au timonier de tourner de 54° vers tribord. Il sait pourtant, comme officier ayant suivi un enseignement adapté, que c'est là le moment pour le faire, sinon, le navire va sortir de la route et se diriger droit devant, vers l'île. Il a les écrans sous les yeux et sait donc parfaitement où est le navire. Ils ont également une carte marine où se trouvent d'autres indications et de taille.
L'une d'elle, que j'ai ajoutée est flagrante. C'est le secteur couvert par le phare de Capel Rosso, que j'ai colorié en jaune.
Ça par exemple ! Quelle coïncidence ! le point où il faut tourner est précisément celui à partir duquel la lumière du phare disparait derrière un relief. Tous les marins savent ce qu'est un amer. Celui-là en était un et il était immanquable.
A l'heure où le ministère public a requis 26 ans et 3 mois de prison contre une seule personne, le commandant Francesco Schettino, je pense qu'il va être bon de remettre quelques pendules à l'heure. La suite bientôt.