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mercredi 30 juillet 2025

Accidents dus aux infrastructures

 Mes deux derniers articles étaient consacrés à des déraillements qui concernaient le même matériel roulant, des locomotives à vapeur de type Mountain 241. Ils ont eu lieu, l'un en 1932 et l'autre en 1933.

Bien que la catastrophe, on peut l'appeler ainsi à cause du nombre des victimes, de La Croisille, ait été rapidement considérée comme n'ayant aucune cause. Il aurait suffit de considérer le déraillement du Paris-Bâle comme exemplaire. Un léger affaissement de la voie sur un passage à niveau a entrainé la sortie des rails de la grosse locomotive, qui a entraîné les voitures à la suite, fait sauter rails et traverses sur 200 mètres et démoli une partie de la gare. Les deux locomotives étaient identiques, avec chacune un fourgon et des voitures passagers, les trains roulaient tous les deux à 110 km par heure et les accidents se sont déroulés exactement de la même manière. Dire qu'il n'y a pas de cause à la catastrophe meurtrière de La Croisille, c'est sans doute faire preuve de mauvaise foi.

Plus près de nous, un déraillement spectaculaire a fait 7 morts et 70 blessés dont certains sérieusement, en gare de Bretigny-sur-Orge le 12 juillet 2013. 3 des victimes décédées se trouvaient dans le train, 4 attendaient sur le quai. Le train s'apprêtait à traverser la gare de Brétigny à environ 135 km par heure, ce qui est une vitesse normale à cet endroit. A l'entrée de la gare, une éclisse qui maintenait une jonction entre 2 rails s'est soulevée et retournée, entraînant le déraillement d'une voiture en milieu de train. Il s'en est suivi un chaos que je ne décris pas, il se trouve beaucoup d'informations détaillées à ce sujet. Mon propos est de souligner que malgré des normes toujours plus exigeantes et des performances accrues des rames, l'infrastructure, la voie, est primordiale. A n'importe quelle vitesse, le train aurait déraillé, même si on peut imaginer que les victimes auraient été moins nombreuses. Si l'éclisse avait été correctement fixée, il n'y aurait pas eu du tout de victimes. N'est-ce pas ce qu'on cherche lorsqu'on parle de sécurité ?

Je vais faire un parallèle avec la route, sur laquelle le gouvernement réduit la vitesse autorisée et la contrôle au moyen de radars qui sont de véritables tirelires pour ceux qui les exploitent. Parallèlement, les infrastructures sont dans des états qui obligent les automobilistes à s'avertir entre eux de telle portion défoncée ou des nouveaux nids de poule apparus après l'hiver. Ces dégradations sont également des facteurs d'accident. Malgré tout, la responsabilité est toujours portée sur l'automobiliste, pénalisé par des malus sur ses primes d'assurance, jamais sur celui chargé d'entretenir la route. Les routes nationales sont d'ailleurs devenue départementales, ce qui est une façon de faire porter la charge à d'autres que l'état, qui perçoit néanmoins les impôts. Il serait temps d'avoir une politique responsable en matière de sécurité et non simplement des fonctionnaires déjà outrageusement trop rémunérés qui ne pensent qu'aux fifrelins qu'ils encaissent sur le dos des utilisateurs. On entend souvent dire que la route tue. C'est vrai. La route et ses malfaçons, ses trous et son manque d'entretien. 

samedi 19 juillet 2025

Mountain 241-036, l'accident méconnu

 Il s'agit du déraillement d'un train en octobre 1932. Un accident qui n'a pas fait de morts ni de blessés graves, ce  qui fait que la presse  l'a presque ignoré. Je ne fais ici que rapporter ce qui a été écrit dans l'édition du Petit Parisien du 12 octobre 1932. J'ai néanmoins coupé de l'article l'identité et les blessures des passagers, qualifiées de légères mais décrites de manière détaillée.

A 7h30, le rapide Paris-Bâle, qui roulait à 110 kilomètres à l'heure a déraillé hier matin en gare de Villepatour-en-Brie, près de Tournan, dans la Seine-et-Marne. (...)
Le rapide 4031 avait quitté la gare de l'Est hier matin à 7 heures en direction de Bâle. L'Orient-Express, dont le terminus est à Belgrade, contenait environ 80 voyageurs et une trentaine d'employés des Compagnies de l'Est et des Wagons-Lits.
Dès la sortie de Paris, le rapide s'élança à grande vitesse sur la voie libre. Il atteignit bientôt cent kilomètres à l'heure; puis dans les plaines de la Brie, le manomètre marquait 110 à l'heure. Vers 7 h 30, au kilomètre 43.550, peu après un passage à niveau, le mécanicien s'aperçut que la locomotive "flottait" et qu'un balancement inquiétant se propageait tout le long du train. Aussi jugea t-il utile de ralentir. Puis, sentant que le convoi emportait littéralement les voies, il bloqua les freins et mit le régulateur de vapeur au point mort. Mais traînant un poids de 278 tonnes 500, la locomotive continué sa trajectoire en direction de la gare de Villepatour-en-Brie, déplaçant, sur un parcours de deux cent mètres environ, les rails en "S". la voie "suivait" le train. 
la locomotive fut brusquement déportée de la voie descendante vers la voie montante et projetée contre la façade de la gare qu'elle défonça pour retomber ensuite sur la voie, arrachant une vingtaine de traverses qui lui servirent de butoir et la firent stopper à environ dix mètres au delà de la gare. 
Déjà, le tender et le fourgon s'étaient mis en travers des voies et le wagon-poste, dans lequel, depuis le départ de Paris, les employés triaient avec activité le courrier, avait complètement traversé le mur qui sépare les quais du bureau du chef de gare. D'autres wagons, dans un amoncellement indescriptible, s'étaient jetés les uns contre les autres. Seul, le wagon-restaurant demeura debout, offrant aux regards le spectacle d'une vaisselle bouleversée et d'un matériel mis en morceaux.
Le mécanicien du rapide, M. Fernand Veillet, qui était assisté du chauffeur Léon Martin, trente-cinq ans, tous deux du dépôt de Troyes. a fait les déclarations suivantes aux enquêteurs : Ma locomotive marchait à une allure régulière. Mon manomètre indiquait. à 7 h. 28, la vitesse de 110 kilomètres à l'heure, ce qui est normal sur cette voie qui traverse la Brie, où les lignes droites, qui sont fréquentes, permettent de grandes vitesses. Soudain, peu avant la gare de Villepatour et à peine le convoi venait-il de franchir un passage à niveau, je sentis que ma locomotive "flottait". Je donnai alors un léger coup de frein et fermai le régulateur de vapeur. Mais le balancement continuait et je sentais que le convoi "ripait" de gauche à droite. C'est alors que je bloquai les freins à fond. Mais je n'étais plus maître de ma machine, et celle-ci, franchissant la voie, sauta à droite sur la voie montante. La déposition de M. Veillet semble établir nettement que sa responsabilité ne peut être en aucune façon engagée. Il n'avait, à cet endroit de la voie, à se préoccuper d'aucun signal ni à ralentir au passage de la gare, qui est une petite station. Au contraire, c'est parce qu'il a su arrêter son convoi avec sang-froid et progressivement que le mécanicien a pu éviter une terrible catastrophe. 
Derrière la locomotive, qui était enfoncée dans le ballast jusqu'aux essieux et dont la vapeur fusait de toutes parts, le wagon-poste, un wagon mixte de 3ème et de 2ème classe, des wagons de 1ère et 2ème, une voiture de 3ème et le wagon-restaurant étaient couchés sur les voies et les remblais. Peu après le passage à niveau qui précède la gare, on apercevait nettement une première défaillance de la voie, sans doute minée par les pluies.

Le Républicain de l'arrondissement de Vitry-le-François publie, le 14 octobre 1932, ce petit article pour expliquer le déraillement du train Paris-Bâle : 


Le déraillement de Villepatour est-il dû à un manque de surveillance des voies ?

L'enquête sur le déraillement de Villepatour s'est poursuivie et il semble bien prouvé qu'il est dû à un mauvais état des voies. Par suite des pluies, le ballast s'est déplacé et un certain nombre de traverses consécutives se sont trouvées privées de point d'appui à leur extrémité. C'est ce qu'on nomme des "danseuses". Au passage du train, elles ont cédé sous le poids et les boudins des roues ont sauté par dessus les rails. 

Les voies sont l'objet, on le sait, d'une surveillance constante et jusqu'à ces temps derniers, étaient visitées quotidiennement. Par suite de compression de personnel - compression nécessaire sans doute - ces visites ne sont plus qu'hebdomadaires. Et peut-être a t-on là un peu exagéré la compression. Si parfait que soit le matériel, on ne peut prévoir les méfaits de l'eau et on ne saurait trop prendre de précautions coûteuses quand il s'agit de la sécurité des voyageurs.

Lorsqu'on lit la description de l'accident de Villepatour-en-Brie et qu'on le compare avec celui de la Croisille, qui s'est déroulé de la même façon avec des locomotives identiques, on ne peut que se rendre compte que, loin de pouvoir exclure une défaillance de la voie dans le second déraillement, il faut au contraire y penser de façon plus précise. Les rails ayant été arrachés et les traverses sectionnées, ces dégradations ont été considérées comme une conséquence de l'accident et non comme faisant partie des causes. Tout ayant été brûlé sur place, dit-on pour pouvoir rétablir plus rapidement le trafic, les pièces à conviction ont tout simplement disparu, laissant planer le doute et privant les victimes et le public des explications auxquelles elles auraient du avoir droit de la part de la justice. Un billet de chemin de fer n'est pas qu'une taxe perçue au profit exclusif de la compagnie de transport. C'est un contrat et à ce titre, le voyageur a droit non seulement au trajet, mais à la sécurité. Il semble que les transporteurs l'aient oublié.

Source de l'article.

vendredi 18 juillet 2025

Le déraillement du train Cherbourg-Paris à La Croisille

La catastrophe de l'express Cherbourg-Paris du 24 octobre 1933,

A 9h54, le 24 octobre 1933, le train parti de Cherbourg en direction de Paris déraille dans une petite courbe, qualifiée de « molle » par la presse de l'époque, sur la commune de la Croisille, tombant d'un petit viaduc d'une hauteur de 8 mètres. Cette même presse va donner beaucoup de détails sur les victimes, on va même connaître leurs adresses, leur nombre d'enfants et l'identité de leurs parents et conjoints, 36 corps seront sortis des décombres du convoi, la plupart tués sur le coup, les 3 voitures de tête ayant été réduites à leur seul châssis, rasé par la voiture suivante. Une partie des wagons est restée sur la voie et on ne déplore donc aucune victime dans la queue du train. Le chef de train, complètement à l'arrière, est immédiatement descendu pour se rendre compte de ce qui venait d'arriver. L'énorme locomotive, encore fumante, avait sauté le parapet du viaduc et se trouvait, debout, dans le lit du Rouloir, un petit affluent de l'Iton, avec son tender. Un wagon était à moitié déraillé, ceux de tête étaient réduits à des tas de bois brisé épars, sous lesquels en entendait des cris et des gémissements. Les passagers indemnes furent les premiers à dégager les blessés, aidés par les ouvriers qui travaillaient au chantier sur la voie dans le virage et qui venaient de voir l'express passer. Certains journaux, moins pudiques qu'à notre époque, ont décrit les blessures des victimes. Je ne reporte rien de leurs descriptions, qui n'ont fait qu'ajouter de l'horreur là où il n'y en avait pas besoin. Le chagrin des familles, la bénédiction des corps, les deux morts retrouvés après le déblaiement des débris, rien n'a été laissé de côté.

J'ai parcouru plusieurs journaux de l'époque, non pour revoir une autre fois ces descriptions macabres mais pour tenter de comprendre les raisons de l'accident, Certains passagers du train, décrivant ce qu'ils avaient ressenti, peuvent être des témoins précieux. Le chauffeur et le mécanicien du train n'ont pas survécu à l'accident. Malgré tout, ils avaient compris que quelque chose n'allait pas et avaient renversé la vapeur, car le train a freiné peu avant de quitter les rails. Les enquêteurs n'ont pas pu se mettre d'accord sur une cause unique et l'affaire en est restée là. L'accident s'est produit environ 200 mètres après une zone où des ouvriers introduisaient des gravillons sous les traverses pour "corriger la géométrie de roulement". Il faut croire que cette géométrie présentait des défaut pour qu'on ait ressenti le besoin de la corriger, mais nul n'a défini ceci comme une cause possible de déstabilisation du convoi. 

La locomotive était une 241 de type "Mountain", la plus lourde locomotive circulant en France, avec son tender, il s'agissait d'un ensemble de 194,2 tonnes. Le chef de train et d'autres témoins ont décrit comme un flottement juste avant que le train quitte la voie. Une partie des rails a été arrachée. Le remblai du talus était affaissé et on a incriminé le poids de la locomotive dans sa chute comme cause probable de cet affaissement. 
Le Rouloir à La Croisille

Je n'ai pas pu me rendre exactement sur les lieux car il s'agit de propriétés privées, mais j'ai pu voir, tout près du lieu où était tombée la locomotive, son tender et les premiers wagons, que la presse avait beaucoup exagéré. Certains ont rapporté que des scaphandriers avaient été dépêchés pour chercher des victimes dans le Rouloir. C'est un ru qu'on peut traverser à pieds. J'y ai pris la photo ci-contre. Il a été largement rapporté que la locomotive, restée sur ses roues, ne s'y était enfoncée que de 60 cm dans l'eau. Elle a d'ailleurs été remise en état et a repris du service. C'était une bonne machine.

Cette locomotive a été sortie du Rouloir près d'un mois et demi après le déraillement et les experts n'ont trouvé aucune faille technique. Il n'y en avait pas non plus sur la voie et les travaux ne pouvaient pas être mis en cause. Aucune trace de sabotage n'a été relevée non plus. Cet accident qui a coûté la vie à 36 personnes n'aurait été causé par rien ? Il se peut au contraire que toutes ces causes pourraient avoir été retenues, mais c'est mon avis personnel.

Il faut tout de même dire qu'un an plus tôt, en octobre 1932, il était arrivé exactement la même chose à un autre train tracté par le même type de locomotive, sur le trajet de l'Orient Express. Le Petit Parisien avait titré "Après avoir arraché deux cent mètres de voie la locomotive défonce la gare". Cet accident n'est pas répertorié car il n'a fait aucune victime. Malgré tout, les même causes produisant les mêmes effets, on peut considérer que les deux accidents sont liés. 

Merci d'avoir lu cet article sur un sujet qui date d'il y a presque 92 ans. 



 

mardi 15 juillet 2025

Vérifications

 En ce moment, et avec bien du mal car mon fournisseur d'accès internet, Free, pour ne pas le nommer, fait des difficultés pour rétablir ma connexion, en panne depuis le 24 juin 2025, soit 3 semaines. Mais ce n'est pas le sujet.

Blogger, qui est géré (mal) par le géant Google, modifie l'interface (mal) et crée des dysfonctionnements majeurs et des manques. Des fonctions utiles disparaissent au profit de bêtises inutiles que personne ne demandait. Pire, des articles disparaissent sans qu'on n'en sache jamais la raison. L'aide en ligne ne sert à rien. Ce n'était déjà pas terrible avant mais, depuis l'arrivée de l'IA, c'est cent fois pire. 

Je n'ai pas tout vérifié mais en cherchant un renseignement sur cette histoire, je viens de me rendre compte qu'un article bien documenté sur l'accident ferroviaire survenu en octobre 1933 sur la commune de La Croisille avait tout simplement disparu. Je ne crois pas qu'il s'agisse de censure. Sur des articles sensibles, j'aurais hésité, mais sur ce qu'on peut appeler un fait divers datant de plus de 90 ans, j'ai quelques doutes. Non non, ce n'est vraisemblablement qu'une mauvaise gestion quelque part. Un chiffre, un nom qui ont agi comme un signal pour entraîner cette suppression. C'est déjà arrivé, entre autres sur un article sur la photo du mois, un défi en photographie entre blogueurs. Le thème était "vert" et mon cliché représentait des vaches au loin dans un pré, avec quelques feuilles d'arbre au premier plan. Pas quelque chose de vraiment subversif. 

J'ai fouillé dans mes brouillons pour voir s'il restait des traces de cet article sur la catastrophe de La Croisille, appelée aussi "de Saint-Elier". (C'est un détail mais le train a déraillé sur la commune de Saint-Elier avant de quitter sa voie et de s'abîmer dans la vallée du Rouloir sur la commune de La Croisille). Rien. Pourtant, les images de l'article sont bien dans mes albums Blogger. C'est la seule trace. Elles pourraient me permettre de refaire mon article. Malheureusement, mon audience sera sans doute bien moindre qu'au moment de la rédaction initiale. Le défouloir n'est plus ce qu'il était, Blogger non plus.

Je tenais particulièrement à cet article, qui était l'un de mes articles historiques pour lequel j'avais fait de multiples recherches, allant même sur place, dans cette vallée, pour mieux me rendre compte. Je n'en avais pas fait mention dans l'article mais la coïncidence veut que j'ai vécu dans 3 villes où des trains à vapeur ont, dans des accidents du passé, fait de nombreuses victimes. Par une autre coïncidence, la personne qui a partagé ce blog avec moi pendant un temps est né, très loin de chez moi, dans une ville où une catastrophe ferroviaire a fait aussi une quarantaine de morts en 1940. 

Je ne suis pas seulement peinée, je suis très mécontente.