jeudi 8 mai 2014

Costa Concordia, le mystère de la route.

Le navire Costa Concordia a appareillé le 13 janvier 2012 à 19h00 du port de Civitaveccia en direction de Savona.
Cette route, décidée au départ, n'ira pas directement à Savone, mais passera par l'île de Giglio, où le navire doit passer à 0,5 milles du port de Giglio Porto pour en saluer les habitants dans une procédure appelée "inchino".
Cette procédure a déjà eu lieu, au même endroit et aussi ailleurs, et Costa n'en a jamais condamné la pratique, qui lui fait de la publicité pour ses navires de croisière.
Tout aurait pu bien se passer, la route était tracée d'avance à l'aide de ce qu'on appelle des "waypoints" qui sont des étapes dans le trajet que va accomplir le navire. Allez voir là, c'est très bien expliqué.

Le navire se dirige donc vers l'île de Giglio, à la vitesse d'environ 15 nœuds, de nuit, par temps clair, mais sans lune. Ce soir là, elle ne se lèvera qu'à 22h00.

Voici une capture de l'un des écrans de contrôle de la passerelle, sur lequel les officiers peuvent lire différents renseignements utiles.


A première vue, on ne comprend rien. C'est petit et tout en abrégé. Les officiers de passerelle, eux, sont censés savoir lire ces informations et en déduire ce qu'il faut faire. Ce système est généralisé dans presque tous les navires à présent, même les bateaux de plaisance. Il fonctionne avec le GPS et permet de savoir où on se trouve et où on va. Il n'y a pas de surprise, le navire n'est pas dirigé par des hommes mais par une machine, le pilote automatique.

Sur l'image ci-dessus, il n'y a pas de waypoint et c'est un premier mystère, car si on voit bien où se trouve le navire, on ne sait pas où il va, ce n'est pas indiqué. Il s'agit sans doute d'un écran secondaire, car une saisie faite par des experts dans leur rapport sur l'accident est légèrement différente. La voici :

C'est moins net, parce que c'est scanné sur du papier, mais c'est la même chose, sauf qu'il s'agit de l'écran principal, quelques minutes après la vue précédente.
Le système de pilotage automatique qui suivait fidèlement les waypoints a été arrêté et le navire n'obéit plus qu'au timonier, qui doit suivre les ordres qui lui sont donnés par l'officier qui a le commandement.

A cet instant précis, le navire, pour rester sur la route qui relie les étapes prévues, en pointillés rouges sur l'image, doit amorcer son virage vers le nord pour passer le long de l'île en toute sécurité.

En réalité, le navire n'a pas suivi ces pointillés, mais est venu beaucoup plus près, à un endroit où un écueil a déchiré sa coque sur bâbord. Le capitaine, le commandant Schettino, avait pourtant été clair : "Pas à moins de 0,5 milles de la côte." Alors que s'est-il passé ?

Pour dire ce que je pense, je vais utiliser un autre naufrage, survenu en septembre 1935 au large du port breton du Guilvinec, celui du Bramhall, un vapeur anglais. Les côtes du Finistère sud sont un véritable piège pour les navires et le capitaine du Bramhall naviguait prudemment, seulement il n'avait pas prévu l'épais brouillard qui s'était abattu sur la mer cet après-midi là et comble de malchance, sa lourde cargaison de minerai de fer a déboussolé le navire, au sens propre du terme. Il naviguait donc à vue, sachant qu'on ne voyait pas à 20 mètres. A 13h55, le Bramhall a rasé les roches d'Ar Guisty et sa coque s'est déchirée entraînant une importante voie d'eau. J'ai retracé sur la carte de l'endroit les deux trajets, en vert, la route que le capitaine avait prévue et sur laquelle il croyait se trouver, et en rouge, celle qu'il a réellement empruntée.


Je crois que c'est aussi ce qui s'est passé pour le Costa Concordia.
Comment expliquer autrement les premiers mots du commandant disant que le rocher n'était pas signalé sur la carte et qu'il pensait avoir de l'eau ? Tout simplement parce qu'il se trouvait ailleurs que là où il pensait être.
Là, pas de minerai de fer et une navigation assistée par satellite qui ne souffre pas des influences terrestres, mais une responsabilité collective. Sur les navires de croisière, il y a une multitude d'officiers là où avant, un capitaine suffisait. Ils disposent de plusieurs écrans pour contrôler leur position et n'ont plus besoin de faire le point au sextant. Tout fonctionne à l'électronique et bipe sans cesse. Et bien peut-être que c'est trop, car ce soir là, personne n'a vérifié, mais ce qui allait se passer était prévisible.L'enchaînement des évènements sur la passerelle a déterminé la fin du navire.
J'en ferai le détail dans un prochain billet.

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