vendredi 24 avril 2009

Le chef

Onze heures trente, je cueille mes pissenlits pour midi. A genoux dans l'herbe près de ma clôture, je suis occupée à les choisir, soigneusement, un par un, petits et sans fleurs, quand, levant à peine les yeux, je vois, de l'autre côté du grillage, une paire de pieds.
"- Bonjour madame ma voisine ! lance le propriétaire des pieds.
- Bonjour monsieur mon voisin, dis-je en retour sans beaucoup d'originalité, ça va ?
- Oh ben on fait aller... répond l'autre d'une voix traînante, ça se mange ?
Je me relève pour expliquer, et, il faut bien dire que mon regard est immédiatement attiré par la touffe jaune paille qui surmonte la tête de mon interlocuteur.
- Un nouvel essai ?
- Ouais, j'en avait marre du blanc.
- C'est tout de même voyant.
- Je m'en fiche, je ne sors jamais... sauf quand je viens saluer ma voisine qui se traîne à quatre pattes dans son jardin.
- Dommage, le soleil est bon pour la santé.
- Les chefs n'ont pas le temps de bronzer, et moi je veux être le chef.
- Le chef de quoi ?
- Ben, de l'univers, pardi !
- C'est ambitieux.
- Plus que de ramasser des pissenlits.
- Et les cheveux, c'est une mode de chef, donc ?
- Voilà ! parce que les chefs ont tous les droits, même celui d'avoir des cheveux jaunes. Et puis celui à qui ça ne plait pas, je lui envoie deux ou trois vaisseaux intergalactiques et pan ! Parce que moi, je ne plaisante pas avec la discipline. Je suis le chef et bientôt, je vais me faire élire empereur. Je suis le seul qui mérite la place. J'ai des comptoirs partout dans l'univers, je surveille tout, je suis hyper-organisé et mes vaisseaux sont prêts à attaquer dès que ça bouge quelque part.
Boum badaboum, t'es mort ! Sur ce, madame, je te salue bien !

Pendant qu'il parlait, les yeux vert pâle de mon voisin s'arrondissaient, lui donnant un aspect surnaturel. M'en retournant par la route, j'y rencontrai ma petite grand-mère d'en face, qui me dit aussitôt :
"vous avez vu la tête de Patrice ? Il est bizarre, vous ne trouvez pas ?"
J'ai éclaté de rire.

18 commentaires:

  1. Ha, ouais, c'est une terriblement pas banale histoire, ça.

    Cela dit, ce type, ton voisin, c'est un peu l'envers du Petit prince, l'exacte antinomie.

    La salade était bonne ? Croûtons ou lard ?

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  2. Croutons et fromage de chèvre. Mais c'est une histoire ancienne, mon voisin a émigré au Canada.

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  3. C'est un relent de nostalgie du moment où le quartier était encore vivant.

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  4. Tu veux dire qu'il se traîne dorénavant par ici? Aïe! Pourtant, les mégalomanes ne pullulent pas par ici. Il se ferait appeler «boss des bécosses» par les francophones de ce côté-ci de l'Atlantique s'il tentait de mettre ses projets à exécution.

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  5. Et oui, il est à présent de votre côté de l'Atlantique. Cependant, une "cheftaine" lui a mis la main dessus et de chef, il est passé au statut de subalterne. Le chef, c'est elle.

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  6. Ayoye, bien atteint le voisin ;))

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  7. Ouaip... En espérant que ça ne ressortira pas d'une manière inappropriée un jour...

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  8. Une histoire ancienne ? Est-ce à dire que tu cueillais le pissenlit déjà à cette époque ?

    Quoiqu'il en soit, drôle de mariage ce doux dingue mégalomane avec les pissenlit.

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  9. Toutes les personnes originaires de l'Auvergne cueillent les pissenlits, et les champignons pour les manger.

    Les orties et les ronces étaient des plantes médicinales parmi d'autres.

    Les orties pour la cure de régénération au printemps et les ronces pour les maux de gorge de l'hiver.

    Mes cueillettes sauvages sont très anciennes. Depuis que je peux aller seule dans les bois, je crois, à 4 ou 5 ans. Maintenant, je crois que les assistantes sociales se mêleraient de ça, mais à l'époque, laisser les enfants aller dans la forêt toute la journée sans surveillance ou les envoyer chercher des vaches à plusieurs kilomètres était naturel.

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  10. Marc VEYRAT abandonne ses cueillettes . Veux tu le remplacer ? A 650 € le repas sans les vins , y a un créneau , ma cousine .

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  11. BARC deviendra le nouveau resto 3 étoiles du Guide Michelin 2010 .

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  12. Marc VEYRAT ? ça fait cochon, vu le prix, ça ne doit pas l'être tant que ça.
    On ne fréquente pas les mêmes cantines.

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  13. Même si je les avais, je ne mettrais pas ce prix-là. Je ne pourrais pas m'empêcher de penser que le RMI mensuel est encore inférieur, que certains n'ont que ça pour vivre et d'autres moins encore.

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  14. Suis bien d'accord ! Il vendait ses herbes cueillies dans les Alpages et associées à ses plats , à ce prix là , à Annecy ! Et sans réservations , peu de chances d'avoir une place ! Toujours complet ! Je n'aurai jamais l'idée d'y aller non plus , mais sache que son restau ne désemplissait pas , pas plus que ceux des 3 étoilés du Michelin . DONC....tes orties et tes pissenlits ont de l'avenir...

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  15. Et il arrête ? Il est mort ou il est fou ?

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  16. Non , non il a été touché par le cri du pissenlit arraché de son humus . Il s'est repenti et , désormais , n'est plus qu'exclusivement carnivore et Président de la Société protectrice des Végétaux . La Brigitte Bardot du Pissenlit , en quelque sorte ; Bizarre , il s'est teint les cheveux en jaune ?

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  17. Donc, il est comme mon voisin.

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